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Albert Camus entretient un rapport paradoxal à la justice selon qu'il y voit un idéal d'équité ou une machine destructrice
d'innocence. Depuis ses premières expériences comme chroniqueur judiciaire à Alger jusqu'à ses écrits contre la peine de mort,
l'oscillation est constante. Comme institution, la justice est captive des idéologies ou des passions, mais comme quête morale
elle incarne une « juste révolte » contre l'injustice. Sous le masque de Caligula, elle est source d'une ivresse barbare et
démesurée. Mais sous les traits apolliniens de Nemesis, déesse de la mesure, elle est lumière.
Camus pense inlassablement la justice contre elle-même. Il combat ses dérives justicières autant qu'il lui rappelle sa
vocation à fonder une cité juste. Ses fictions sont des masques autobiographiques qui creusent en profondeur le sillon de
cette tension.
Denis Salas est magistrat. Après avoir exercé dans différents tribunaux, il est actuellement chargé de formation et de
recherche à l'école nationale de la magistrature et secrétaire général de l'Association pour l'histoire de la justice.
Dernier ouvrage paru : Le Tiers pouvoir, Hachette-Pluriel, 2000.
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