"J'ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s'exerce aveuglément dans les rues d'Alger par exemple, et qui peut un jour frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice."
Albert Camus
Albert Camus

Camus et la guerre d'Algérie

La position d'Albert Camus sur le devenir de l'Algérie est attendue à double titre : d'abord en tant qu'intellectuel, ensuite en tant que Français d'Algérie. Mais dans un climat de passions exacerbées, il sera peu écouté et très souvent mal compris. Aussi arrêtera-t-il dès 1958 de s'exprimer publiquement, laissant son point de vue dans Algérie 1958 (Actuelles III).
Pour Albert Camus, la revendication arabe est équivoque. Autant sont légitimes la dénonciation du colonialisme, de l'attitude méprisante des Français, d'une répartition agraire injuste et d'une assimilation toujours proposée mais jamais réalisée, autant est illégitime le concept de nation algérienne : l'Algérie est issue d'immigrations successives (Juifs, Turcs, Grecs, Italiens, Berbères, Arabes puis Français), et les Arabes sont poussés par l'impérialisme mené par l'Egypte et soutenu par l'URSS, pas par le sentiment d'appartenance à une nation algérienne.
La troisième voie qu'il préconise consiste à intégrer davantage les Français Musulmans dans la République :
  • Par la création d'un parlement à deux sections : la première, de 500 membres, composée de 485 élus métropolitains et de 15 élus d'outre-mer gérant seule ce qui n'intéresse que la métropole (le droit civil par exemple), la seconde, de 100 membres composée d'élus musulmans de statut coranique, gérant seule les questions intéressant les Musulmans; le parlement dans sa totalité gérant les questions communes (fiscalité, budget, défense...)
  • Par l'extension de ce parlement aux autres pays du Maghreb et de l'Afrique Noire, en créant une structure fédérale française (un Sénat fédéral, des Assemblées régionales) compatible avec les institutions européennes à venir, ce qui renforce la pérénité de cette solution.

  • Cette voie doit surmonter deux obstacles majeurs : le cessez-le-feu préalable, difficile à obtenir d'un FLN intransigeant, et la volonté nécessaire à la métropole pour réformer la constitution.
    Elle ne sera jamais retenue : le FLN, loin d'arréter les combats, renforcera les attentats, et la métropole, avec De Gaulle au pouvoir, changera sa constitution mais pas dans le sens de l'intégration des Français Musulmans (au nom d'une certaine idée de la France ?). Aussi la France s'engagera-t-elle dans la voie redoutée par Camus dès Janvier 1958 :
    Un grand nombre de Français, plutôt que de renoncer à leur niveau de vie, préfèreront abandonner les Algériens à leur destin [...] et se désolidariser de leurs compatriotes d'Algérie [...] La France se trouvera forcée de lacher également les Arabes et les Français d'Algérie; nous sommes devant cet enjeu. Si ce dernier malheur arrivait, les conséquences seraient nécessairement graves et les Algériens ne seraient pas certainement seuls à entrer en sécession. C'est le dernier avertissement qu'il faille honnêtement formuler.

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    © Georges Bénicourt - 04/00 Dernière mise à jour: 01/05/00