"Ce qui m'intéresse, c'est d'être un homme."
Albert Camus, in La Peste
Albert Camus

Juste Camus - Camus le Juste

Retrouvez sur France Culture.com un dossier spécial, en complément de la programmation exceptionnelle de France Culture du 18 Novembre au 13 Décembre 2002.

Programme

Fiction : Le Premier Homme rediffusion de 1994
du lundi au vendredi, du 18 au 29 novembre de 11h à 11h20

Pages choisies par Roger Grenier, lues par Didier Bezace. Réalisation de Georges Peyrou.
Le Premier Homme est le roman auquel travaillait Albert Camus quand il mourut accidentellement en 1960, dont on a retrouvé le manuscrit dans sa sacoche. Ouvre ambitieuse, il devait constituer le premier volet d'une trilogie consacrée aux colons d'Algérie, mais a conservé dans cette version inachevée un caractère autobiographique très marqué. A Alger, en 1913, une charrette cahotée dans la nuit transporte une femme sur le point d' accoucher, à ses côtés son mari se montre plein d'attentions. Le petit Jacques naît bientôt, celui-là même que l'on retrouve dès le deuxième chapitre dans un cimetière de Bretagne devant la tombe de son père, tombé au combat en octobre 1914 et qu'il visite pour la première fois. Dans le bateau qui le ramène auprès de sa mère à Alger, lui revient peu à peu en mémoire cette enfance dont il n'a jamais guéri. La voix, à la gravité inquiète, de Didier Bezace nous plonge immédiatement dans le récit poignant de Camus et dans le paysage tourmenté de l'Algérie.

Le bien commun : Camus et le terrorisme par Antoine Garapon
samedi 23 novembre, de 11h à 12h

Pour Camus, l'essentiel, que la violence soit peine de mort, guerre ou terrorisme, est de s'assurer qu'on ne cachera pas l'horreur du crime par l' éventuelle valeur de ses justifications : " Il serait tout à fait utopique de vouloir que personne ne tue plus personne. C'est l'utopie absolue. Mais c 'est une utopie à un degré beaucoup plus faible que de demander que le meurtre ne soit plus légitimé ". Mais, alors, le terrorisme pose un problème à Camus : meurtre aveugle pour ceux qu'ils agressent, il correspond, pour ceux qui le défendent à la mise au service de la justice - de la justesse d'une cause - du meurtre. En rupture avec le milieu intellectuel de son temps, il refuse de rapatrier les moyens utilisés sous la cause, et donc d'admettre qu'il y a une bonne violence et une mauvaise violence. Tout autant refuse-t-il de dénoncer " in globo " le terrorisme. Il ne veut ni négliger les victimes ni en tirer prétexte pour relancer la violence dans un mimétisme sans fin. Camus veut à la fois refuser les méthodes et entendre les causes, ce qui donne le caractère instable, délicat mais aussi stimulant de sa pensée. Comment, se demande-t-il, prendre en considération la cause sans pour autant en légitimer tous les moyens ? Comment imaginer une issue politique à un combat qui consciemment ou non détruit à terme toute vie politique ?
Avec, sous réserve, Denis Salas, magistrat, Jacqueline Lévi-Valensi, professeur de littérature à Amiens.

Radio libre : Les révoltes d'Albert Camus par Alain Finkielkraut
samedi 23 novembre, de 15h à 17h30

En 1948, Camus écrit : " On ne vit pas que de lutte et de haine. On ne meurt pas toujours les armes à la main. Il y a l'histoire et il y a autre chose, le simple bonheur, la passion des êtres, la beauté naturelle ". Sartre lui répond, quelque temps plus tard, qu'il n'y a rien hors de l'histoire et que tout est politique, tandis que Breton pourfend en ces termes sa tentative d' allier la mesure à la révolte dans L'Homme révolté : " La révolte une fois vidée de son contenu passionnel, que voulez-vous qu'il en reste ?. Je ne doute pas que beaucoup se laisseront piper à cet artifice : on a gardé le nom et supprimé la chose ". En 1957, à Stockholm où il reçoit le prix Nobel, Camus répond à un étudiant algérien qui l'interpelle durement : " En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d'Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c'est cela la question, je préfère ma mère à la justice ". Cette condamnation du terrorisme lui vaut d'être accusé par l'intelligentsia progressiste de soutenir le pouvoir colonial. Pourquoi une " Radio libre " sur Camus aujourd'hui ? Parce que, même si les évènements qui l'ont suscitée sont de l'histoire ancienne, la polémique n' est pas close. Elle vient, au contraire, de se rouvrir : nous sommes plus que jamais confrontés aux questions qui divisaient alors les intellectuels. Alain Finkielkraut
Avec, sous réserve, Michel Surya, Julia Kristeva, Jacqueline Lévi-Valensi, François Maspero, Abdelwahab Meddeb.

Les nuits de France Culture
lundi 25 novembre de 1h à 6h

Une nuit spéciale plus particulièrement consacrée à l'ouvre dramatique d' Albert Camus ; à son premier roman, sorte de marmite de l'ouvre romanesque ultérieure ; à son attachement intime, et optimiste, à l'égard de ses compatriotes algériens.
  • Albert Camus lit un extrait du Mythe de Sisyphe, propos sur le théâtre (1958)
  • Caligula, lu par Albert Camus (1955), rediffusion donnée un an après la mort d'Albert Camus, le 4 janvier 1961, présentation par Roger Grenier
  • La mort heureuse, roman posthume d'Albert Camus
  • rediffusion de l'émission " Un Livre des Voix ", Jean-Pierre Colas s' entretient avec Jean-Claude Brisville (1971)
  • Le malentendu, déclaration d'Albert Camus à propos de sa pièce (1944)
  • Le malentendu, présentation par Alfred Simon, critique dramatique (1974), avec Germaine Montero, Nita Klein, Martine Sarcey, Jean-Pierre Jorris
  • Conférence à l'" algérienne " le 13/11/58, le colonel Furnari reçoit Albert Camus, il répond sur les liens profonds qui l'unissent au sort des Algériens.

    Mémorables : Intégrales de la Conférence de presse et du Discours de Stockholm
    du lundi 25 au vendredi 29 novembre, de 11h30 à 12h

    Après une conférence de presse donnée par Albert Camus à l'Ambassade de France à Stockholm le 9 décembre 1957, au cours de laquelle il évoquera entre autres les raisons de son départ de Combat, son adaptation des Possédés de Dostoïevski, la possibilité d'une communauté franco-musulmane en Algérie, son " optimisme indéracinable ", sa référence à saint Augustin et Pascal à l'égard du " sacré ", à la tradition classique française ; ou bien encore son sentiment de " fraternité " avec Simone Weil et René Char et son admiration pour l'ouvre d'André Malraux, son discours d'acceptation du prix Nobel 1957 a été prononcé le lendemain, à l'Hôtel de Ville de Stockholm. " Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste a empêcher que le monde se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l'intelligence s'est abaissée jusqu'à se faire la servante de la haine et de l'oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d'elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. " (extrait du Discours de Stockholm)

    Les chemins de la connaissance : Albert Camus, les années Combat par Mathieu Bénézet
    du lundi 25 au vendredi 29 novembre, de 17h à 17h25

    Celui qui, en 1941, dans le journal La Tunisie française, se promettait de " rentrer dans l'histoire avec le mépris qui convient ", celui-là, Albert Camus, peu à peu sous l'influence entre autres de son ami libertaire Pascal Pia et du poète René Leynaud, tous deux résistants, entamera à son tour une activité résistante, en 1943. Et cela tout en publiant chez Gallimard qui le salarie, et nouant des amitiés avec Michel Leiris, Sartre, Picasso ou Lacan, et assez modestement faisant office de secrétaire de rédaction au journal clandestin Combat dirigé par Claude Bourdet. C'est ce même Albert Camus qui écrira le 31 août 1944 dans Combat (libéré) : " La tâche de chacun de nous est de bien penser ce qu'il se propose de dire, de modeler peu à peu l' esprit du journal qui est le sien, d'écrire attentivement et de ne jamais perdre de vue cette immense nécessité où nous sommes de redonner à un pays sa voix profonde ". Les " Chemins de la connaissance " se proposent d' examiner cette trajectoire, ce mûrissement, cet engagement d'un homme, d'un écrivain et d'un philosophe, les années Combat d'Albert Camus, dans tous les sens du terme.
    Avec, sous réserve, Yves-Marc Ajchenbaum, Jean-Yves Guérin, Jean-Paul Curnier, Jacqueline Lévi-Valensi et Alain Badiou.

    Texte intégral : Albert Camus, le langage clair par Julie Clarini
    mardi 26 novembre, de 9h05 à 10h

    " Le style , comme la popeline, dissimule trop souvent l'eczéma " (La Chute).
    Toute l'oeuvre d'Albert Camus témoigne de ce soupçon porté sur le langage. Seul le silence pouvait sans doute répondre, à ses yeux, aux plus hautes exigences de la vérité. Néanmoins, contre la tentation permanente de se taire, Camus a témoigné, écrit, et donné vie à des personnages, eux-mêmes habités par le désir de lucidité et d'authenticité. Quelle lecture de son ouvre romanesque, de son écriture, peut-on faire à la lumière de ce déchirement ? Quel sens donner à la transposition emblématique du réel ?

    Invités à déterminer.

    Passage du témoin : Albert Camus, homme de théâtre par Lucien Attoun
    mardi 26 novembre, de 19h30 à 20h25

    Adolescent et jeune homme, Albert Camus, en Algérie, rêvait d'être footballeur et acteur de théâtre : il a écrit de belles pages sur la fraternité qu'on pouvait trouver sur un terrain et sur la scène. Ce n'est sûrement pas par hasard si la troupe de théâtre qu'il animait s'appelait L' Equipe, ni que le philosophe et écrivain qu'il était, pratiquera au théâtre le genre dialogues philosophiques à la manière d'un Goethe et dont Les Justes (créée en 1949 au Théâtre Hébertot, avec Michel Bouquet et Serge Reggiani notamment) constituera, à l'époque riche du théâtre d'idées, une étape importante dans la démarche de l'auteur des Noces ou de L'Etranger. Dans les dernières années de sa vie il se donnera beaucoup au théâtre en assurant bon nombre d'adaptations d'ouvres romanesques (Requiem pour une Nonne, au Théâtre des Mathurins ou Les Possédés au Théâtre Antoine, à la réalisation desquelles Catherine Sellers participera). Albert Camus-on le sait moins-aura contribué indirectement à l'épanouissement d'un des plus grands auteurs dramatiques français vivant : Michel Vinaver qui, avant d' écrire pour le théâtre, lui avait donné à lire (il avait tout juste vingt ans) son premier roman Lataume et que Camus fit aussitôt publier par Gallimard.
    Avec Michel Bouquet, Serge Reggiani, Catherine Sellers, Michel Vinaver, et Elodie Boublil, universitaire à Paris IV-La Sorbonne, pour dire l'actualité du théâtre de Camus.

    Carnet nomade : L'Etranger, d'Albert Camus, portrait par Colette Fellous
    vendredi 29 novembre, de 15h à 16h30

    C'est à partir de la lecture de L'Etranger par Albert Camus lui-même que va se bâtir ce carnet nomade, où chaque écrivain retrouvera ce que la découverte de ce livre a été pour lui. L'Etranger, comme fable, comme conte moral, comme roman de l'anti-héros, comme manifeste littéraire, comme témoignage de l'Algérie pré-indépendante, comme roman philosophique. Le livre, qui est paru en 1942, continue d'être dans le monde un des livres les plus essentiels de la littérature, et sa première phrase " Aujourd'hui maman est morte " laisse entendre la voix d'un jeune homme qui, comme l'a écrit Roger Grenier, dans sa volonté de dire moins, serre au plus près l' essentiel.
    " Dans notre société, écrivait Camus, tout homme qui ne pleure pas à l' enterrement risque d'être condamné parce qu'il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société où il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle. Et c'est pourquoi des lecteurs ont été tentés de le considérer comme une épave. Meursault pour moi n'est pas une épave mais un homme pauvre et nu, amoureux du soleil qui ne laisse pas d'ombres.
    Loin qu'il soit privé de toute sensibilité, une passion profonde parce que tenace, l'anime, la passion de l'absolu et de la vérité. On ne se tromperait pas beaucoup en lisant dans l'étranger l'histoire d'un homme qui, sans aucune attitude héroïque, accepte de mourir pour la vérité ".

    Invités à déterminer.

    Feuilleton : L'Etranger
    du lundi au vendredi, du 2 au 13 décembre de 11h à 11h20

    adaptation radiophonique de Nicole Marmet et David Zaine Mairowitz
    réalisation de Christine Bernard-Sugy
    " Dans notre société, tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort. " Albert Camus a naguère ainsi résumé L' Etranger, publié en 1942, et, aujourd'hui encore d'une singulière actualité. Cette adaptation radiophonique, construite sur la relation contradictoire entre la sensualité violente des paysages d'Algérie et l'apparente insensibilité de Meursault, mêle de façon subtile et vivante la succession des scènes, de l'annonce de la mort de sa mère au meurtre de l'Arabe sur la plage, et le déroulement du procès, faisant alterner dialogues et pensées intimes de Meursault. Une musique originale spécialement composée pour dire la prégnance des paysages, de courts extraits d'enregistrements d'Albert Camus lui conférant une présence quasi fantômatique contribuent à faire de cette adaptation un objet radiophonique original aux échos très contemporains, et néanmoins fidèle à l'ouvre de Camus.

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    © Le Web Camus - 11/02 Dernière mise à jour: 11/11/02