"Puisqu'on ne pouvait condamner les autres sans aussitôt se juger, il fallait s'accabler soi-même pour avoir le droit de juger les autres."
Albert Camus, in La Chute
Albert Camus

La Chute
Roman - 1956

Initialement, ce texte constituait une nouvelle appartenant au recueil L'Exil et le Royaume, mais il a rapidement pris beaucoup d'ampleur et est devenu un court roman indépendant.
C'est une des oeuvres les moins comprises de Camus, car elle est inattendue dans son cheminement; de plus, elle est déroutante sur beaucoup de points : le style de la confession, du monologue, l'ambiance sombre, le thème :
"L'homme qui parle dans 'La Chute' se livre à une confession calculée. Réfugié à Amsterdam dans une ville de canaux et de lumière froide, où il joue à l'ermite et au prophète, cet ancien avocat attend dans un bar douteux des auditeurs complaisants.
Il a le coeur moderne, c'est-à-dire qu'il ne peut supporter d'être jugé. Il se dépêche donc de faire son propre procès, mais c'est pour mieux juger les autres. Le miroir dans lequel il se regarde, il finit par le tendre aux autres.
Où commence la confession, où l'accusation ? Celui qui parle dans ce livre fait-il son procès ou celui de son temps ? Est-il un cas particulier ou l'homme du jour ? Une seule vérité en tout cas, dans ce jeu de glaces étudié : la douleur, et ce qu'elle promet."

Enfin, voici la préface d'André Abbou, dans l'édition du Livre de Poche 1968:
"Récit énigmatique accordé à notre monde ambigu : la nature, les choses, les hommes, tout crie à une dualité contradictoire qui déroute l'observateur jusqu'au vertige. Telle est l'expérience de Clamence, réfugié dans ce bar d'Amsterdam, avocat-conseil d'ivrognes et de souteneurs. Il a choisi ce lieu d'exil, cet envers du monde bourgeois et de la bonne conscience, à la suite d'une "découverte essentielle", sa lâcheté face à une noyade commise sous ses yeux. Sa mémoire revenue, la duplicité, l'imposture, la culpabilité universelles se sont imposées. Conséquent, Clamence a rejoint un lieu adapté où les hommes ne se déguisent pas derrière les mensonges et ne singent pas la fausse vertu. "Prophète pour temps médiocres", il annonce la culpabilité universelle, l'impossibilité du pardon et du rachat, le règne de la servitude. Juge-pénitent, il se "confesse en long et en large" pour susciter le doute et la mauvaise conscience chez son interlocuteur. Car le portrait tracé dépasse l'individu : il figure l'homme avec ses prétentions, ses faiblesses, ses inconsciences, ses échecs, ses désespoirs. "Ne sommes nous pas tous semblables...". Mais il concerne plus spécialement nos contemporains. N'est-ce pas une mise en garde contre le désespoir et le renoncement ? "

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© Georges Bénicourt - 10/96 Dernière mise à jour: 21/11/01